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La bienveillance des agneaux – Une période trouble, épisode 1

  • Bessora Consulting Rh
  • 25 janv. 2020
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 7 juil. 2020

L'exigence d'une bienveillance managériale: une surprenante communauté de vue:


L’exigence de bienveillance au travail, dans le discours du monde de l’entreprise, semble faire consensus depuis quelques années déjà.


Un tel consensus doit interroger tout décideur et tout analyste parce que l’existence d’une conformité de vue s’agissant de l’entreprise et du monde du travail est suffisamment rare pour mériter qu’on s’y attarde. Le principe même d’un consensus dans les relations sociales de l’entreprise qui poserait comme fondement une éthique humaniste de premier plan (la bienveillance au travail) constituerait finalement une nouveauté compte tenu des rapports d’autorité, d’exercice du pouvoir et de la pyramide de liens de subordination qui caractérisent l’entreprise. Dans cet exercice du pouvoir propre à l’entreprise, elle est apparue historiquement davantage comme un cadre où les relations sociales internes résultent de compromis trouvés entre les parties prenantes à la suite de luttes sociales et de rapports de force.


Comment donc se convaincre que le management et l’exercice du pouvoir de direction qui en est le corollaire, soit passé ces dernières années du rapport de force traditionnel entre les deux parties prenantes internes de l’entreprise, à un rapport de bienveillance à l’égard des subordonnés.



Une remise en cause des légitimités de l'entreprise:


Le contexte social, sociétal et économique actuel dans lequel est immergée l’entreprise en est probablement la première source. Ce contexte, non stabilisé encore, remet sensiblement en cause la légitimité des fondements traditionnels de l’entreprise, à savoir produire un bien ou un service dans un cadre hiérarchisé où s’exerce une autorité qui redistribue la création de valeur. Cette remise en cause peut signifier que nous nous trouvons à la veille d’une forme de révolution du travail et donc de l’entreprise sous l’effet conjugué de nombreux facteurs.



Nous pouvons relever, de manière non exhaustive, les facteurs suivants :


  • Une relativisation de la valeur travail dans le système de valeurs partagées (réduction du temps de travail, compatibilité des activités professionnelles avec la vie privée et familiale, particulièrement chez les cadres, plus grande conscience des externalités négatives résultant des activités de production...).

  • Un renversement de l’intérêt collectif au profit de l’intérêt individuel et de la réalisation d’un « soi » hypertrophié (aussi bien chez les salariés que chez les dirigeants) qui produit un effondrement des systèmes de solidarité internes à l’entreprise et qui fait passer la réalisation de soi avant la réalisation de la communauté de travail.

  • L’émergence de métiers et de modes de collaboration alternatifs par le développement de l’auto-entrepreneuriat, du téléworking et des espaces de coworking rendus possibles par le développement du web 3.0, mettant des distances physiques entre le collaborateur et l’entreprise, puis potentiellement des distances d’affect ralentissant les sentiments d’appartenance.

  • L’introduction massive de la digitalisation des processus de gestion (administrative et RH) instaurant une communication interpersonnelle virtualisée qui réduit les occasions d’échanges informels (créateurs de lien) et de sentiments d’appartenance (créateurs de liant) au sein des collectifs de travail.

  • Le surdéveloppement des réseaux sociaux, transformant chaque salarié en média capable de diffuser à grande échelle son quotidien de travail dont notamment les pratiques managériales (bonnes ou mauvaises) de l’entreprise ou de son service, signant ainsi la fin de la sanctuarisation de l’entreprise et son placement en « journées portes ouvertes » permanentes. Cette surexposition de l’intérieur même de l’entreprise place ainsi l’internaute, le public, les clients, les institutions publiques et les autres médias traditionnels en évaluateurs permanents.

  • L’obligation faite à l’entreprise de se positionner comme un acteur citoyen par le développement de politique RSE volontariste lui enjoignant la prise en compte des questions de plus en plus prégnantes relatives à l’environnement, aux changements climatiques, à l’égalité, à la non-discrimination...

  • La perte considérable de confiance des salariés à l’égard de leurs dirigeants, alimentée par les nombreux scandales financiers liés à l’optimisation ou l’évasion fiscale, par les très hauts niveaux de revenus des grands dirigeants comparativement à la relative stabilité des bas salaires et par les liens d’intérêts entre les dirigeants politiques censés se préoccuper de l’intérêt général et les dirigeants des grandes entreprises plus orientés vers des intérêts sectoriels et marchands.

  • La concurrence effrénée due à l’ouverture des marchés, exacerbant l’exigence de productivité et aboutissant à des taux inédits de stress et de burnout tout au long de la ligne hiérarchique de l’entreprise.

  • Les singularités vraies ou supposées des générations Y et Z dans leurs représentations de l’entreprise, du management, du travail et finalement de la réalisation de soi.

Devant un tel contexte de changements radicaux, pour ne pas dire de révolution, l’entreprise ne peut résister à un questionnement en profondeur de la pertinence de ses structures, de ses systèmes, de ses méthodes managériales et de ses finalités.



Une injonction de bienveillance qui pose autant de questions qu'elle n'apporte de réponses:


En réponse à ces nécessaires questionnements, les nombreuses réponses apportées par les consultants externes et les experts internes qui se proposent de conseiller les entreprises, s’apparente à une véritable déferlante depuis de nombreuses années outre atlantique et sur le continent Européen. Au sein même de cette déferlante de recommandations, de conseils, de propositions et d’injonctions, le management par la bienveillance apparaît unanimement comme une exigence à laquelle les entreprises, et surtout les managers ne peuvent se soustraire.


Toute unanimité dans le monde de l’entreprise étant une curiosité du fait de sa rareté, elle ne peut que nous pousser à nous interroger sur sa réalité et sa profondeur.

Un premier doute doit être levé sur le sens que chacun donne à la bienveillance au travail parce qu’il n’est pas certain de trouver à cette occasion un consensus ni les mêmes attentes.


En deuxième lieu, c’est la pertinence de cette injonction de bienveillance faite aux managers de proximité en réponse au contexte de changement en profondeur de l’entreprise qu’il faut questionner.


En dernier lieu, se pose la question de la faisabilité d’un management bienveillant affranchi des contraintes organisationnelles, des méthodes et des politiques de l’entreprise dans lequel il s’exerce.


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