Confinement J+50

Évadons-nous avec Tom HOOPER!

"Le discours d'un roi"

L’histoire de ce film se déroule en 1936. A la suite de l’abdication de son frère Edouard VIII, George VI (père de la reine Elisabeth II) devient roi d’Angleterre.

Mais le nouveau roi qui succède ainsi à son frère est handicapé par un bégaiement qui limite fortement ses capacités à s’exprimer en public.

Pourtant, face à la montée du nazisme et à la perspective d’un conflit armé, George VI doit s’imposer comme roi aux yeux des Britanniques et rassembler le Royaume dans une union sacrée.

Institutionnellement, le monarque ne dispose pour cela que d’une ressource, la parole. Et c’est justement cette ressource qui lui fait défaut, ou du moins l’élocution nécessaire, parce qu’il est incapable de prononcer un discours sans buter continuellement sur les mots et syllabes qu’il souhaite prononcer, contrairement à son ennemi lointain qui a pris le pouvoir en Allemagne et qui sait se servir de son élocution pour fédérer le peuple Allemand.

Le bégaiement dont souffre le roi le prive alors de la seule arme que la constitution britannique l’autorise à manier.

Et c’est en désespoir de cause, après avoir consulté sans succès les spécialistes les plus reconnus du royaume, que le roi Georges VI fait appel à un « orthophoniste » sans diplôme et iconoclaste Australien, immigré en Grande Bretagne. Cette rencontre et la persévérance de Georges VI, malgré les doutes et les renoncements, lui permettra de devenir le roi qu’il fallait à la Grande Bretagne pour traverser les heures sombres qui l’attendent.

Ce magnifique film aux 4 oscars met en évidence ce précieux don que possèdent les hommes : la parole. Il nous en révèle sa nécessité pour conquérir la légitimité qui s’impose à tout dirigeant. De surcroît, ce film met également en perspective le pouvoir d’une parole maniée avec adresse et justesse, c’est-à-dire avec élocution.

En contre point, le film nous conduit, nous qui ne souffrons pas de bégaiement, à mesurer l’enfermement et la privation de légèreté que produit ce handicap.

Au-delà du roi Georges VI, le film de Tom HOOPER nous montre qu’être porteur d’un handicap visible produit toujours en face de soi d’une part une grande diversité d’attitude, telles que la compassion, la condescendance, la discrimination (positive ou négative), et d’autre part des représentations sociales porteuses de préjugés.

Bien plus, le regard que porte sur elle-même la personne en situation de handicap, produit une variété de sentiments telles qu’une estime de soi altérée, une perte d’assurance, une forte réactivité aux situations où des rapports de force et d’autorité sont en jeu, une propension au stress et à la dépression.

Néanmoins, ces sentiments peuvent être vaincus, parfois avec l’aide d’acteurs combinant sensibilité et intelligence, dès lors que la personne en situation de handicap déroule des stratégies qui la conduisent à développer des ressources singulières en lien plus ou moins direct avec son handicap telles qu’une plus grande empathie, une sensibilité plus aiguë, une forte combativité, une capacité à relativiser les problèmes en les plaçant en perspective avec des situations plus graves, une capacité à l’innovation et à l’auto-formation, etc.

Finalement, du fait même de son handicap, l’individu acquiert des aptitudes et des capacités inédites que lui seul détient parce qu’elles constituent justement le moyen de compensation de ses situations de vie et de travail. Ainsi, la personne en situation de handicap devient apporteuse de ressources nouvelles en termes de savoir, savoir-faire procédural et savoir comportemental.

Ce film peut alors nous conduire à réfléchir sur notre positionnement de manager face au handicap et nous faire mesurer qu’une fois débarrassé(e) de nos sentiments réducteurs de condescendance, de discrimination ou de préjugés, il nous incombe d’identifier ces ressources et ces aptitudes particulières pour les mettre au service de l’équipe dans son ensemble.

Pour le plaisir, voici le discours que le roi Georges VI prononcera le 3 septembre 1939:

« En cette heure grave, peut-être la plus décisive de notre histoire, j’adresse à chaque foyer qui forme mes peuples, tant ici qu’outremer, ce message prononcé à l’intention de chacun d’entre vous avec autant de ferveur que si je pouvais entrer dans votre maison pour vous parler personnellement.

Pour la deuxième fois, dans l’existence de la plupart d’entre nous, nous sommes en guerre. À maintes et maintes reprises, cette année, nous avons tenté de trouver une issue pacifique aux différends nous opposant à ceux qui sont aujourd’hui nos ennemis, mais nos efforts sont restés vains.

Nous voici plongés de force dans ce conflit, car nous sommes tenus de nous dresser contre un principe, qui s’il devait s’imposer, serait fatal à tout ordre civilisé dans le monde. Un tel principe dépouillé de ses artifices, est sûrement l’expression de cette doctrine primitive qui veut que la force prime sur le droit.

Au nom de tout ce que nous chérissons, il est inconcevable que nous refusions de relever ce défi. C’est dans ce but suprême que j’invite maintenant mon peuple d’Angleterre et mes peuples d’outremer à épouser notre cause. Je leur demande de rester calmes, fermes et unis dans l’épreuve. La tâche sera rude. Des jours sombres nous attendent, et la guerre ne peut plus désormais se borner au seul champ de bataille mais nous ne pouvons bien agir que selon notre idée du bien, et avec déférence, au nom de notre cause, en appeler à Dieu. Si tous ensemble, nous restons résolument fidèles à cette cause, alors, avec l’aide de Dieu, nous vaincrons ».